Coopération Burkina-Russie: l'empire russe, l'Union soviétique, la Russie n'ont jamais eu de colonies en Afrique

À l'heure où les relations entre le Burkina Faso et la Russie s'intensifient, nous avons eu le privilège de rencontrer Mme Barra née Oleinik Olga, Secrétaire Générale de l’Association Radouga. Avec cette Russe naturalisée Burkinabè, nous avons eu le privilège de discuter de la coopération croissante entre ces deux nations. Dans cette interview exclusive du 18 avril 2024, Mme Barra a procédé d'abord à une présentation du pays le plus vaste au monde, tout en explorant les opportunités d'investissement dans le cadre de cette collaboration prometteuse, sans oublier les précieux conseils pour attirer les investisseurs au Burkina Faso.

Infos24: Pouvez-vous présenter l’association et son rôle dans la promotion des relations entre la Russie et le Burkina Faso ?

Mme Barra: L’association Radouga est une association à but non lucratif des ressortissants de l'ex Union Soviétique majoritairement des femmes. L’Association compte à peu près 25 personnes. Le but est de sauvegarder les liens amicaux, la culture, la langue entre les membres de l'association, tout en apportant un soutien moral et financier et aussi promouvoir la culture et la langue russe au Burkina Faso.

Elle a vu le jour en 2007. Malgré le nombre, nous avons pu organiser des manifestations et des événements. Nous organisons chaque année des fêtes de Noël pour nos enfants. Nous commémorons les victoires de l'Union soviétique dans la grande guerre patriotique. L'école de la langue russe a fonctionné plusieurs années et la majorité de nos enfants ont pu apprendre à parler et à écrire la langue russe.

Dans le cadre de la promotion de la culture russe, nous avons organisé des soirées culinaires à Ouagadougou dont le bénéfice a été utilisé dans un but caritatif. Pendant les moments douloureux du pays, l'association organise des collectes de fonds pour les personnes démunies comme les inondations qui ont touché la ville de Ouagadougou. Noël de chaque année, l'association, en partenariat avec d'autres associations, organise des collectes de fonds en faveur des personnes démunies pour la fête de Noël.

Infos24: Quelle présentation faites-vous de la Russie aux Burkinabè et par quels canaux, peut-on connaître la Russie ?

Mme Barra: La Russie est un grand État transcontinental. Le plus vaste de la planète à cheval sur l'Asie du Nord avec 80 % du territoire et l'Europe qui occupe les 20 %. La Russie compte environ 146 millions d'habitants. La majorité de cette population vit sur le territoire européen de la Russie, à peu près 78 %. C'est un pays où cohabite pendant des siècles plus de 150 nationalités des régions différentes. Il y a des chrétiens orthodoxes qui sont majoritaires, des musulmans, des bouddhistes, des Juifs.

La population parle plusieurs langues. Le russe est la langue d'État de la Fédération, mais il y a 37 langues qui ont un statut de langue d'État dans les Républiques. Il y a 15 autres langues qui ont un statut officiel. En plus de cela, il y a d'autres grandes langues parlées en Russie. Pratiquement, chaque nationalité a pu garder sa langue en écrit et en parler. Au temps de l'union soviétique, l'État s'occupait de donner à chaque langue un statut en élaborant l'alphabet et les règles, entre autres. 

L'empire russe compte plusieurs siècles. La politique d'État de l'empire russe est telle que la population doit vivre en harmonie. C'est-à-dire que chaque peuple était toléré. Il n'y avait pas de discrimination. Cela a permis de garder l'empire pendant des siècles dans ses frontières sans avoir de problème inter-ethnique. Quand l'empire russe existait, il n'y avait pas de division par nationalité, la nationalité n'était pas précisée dans les cartes d'identité. 

Historiquement, la Russie est la patrie de plusieurs peuples qui parlent plusieurs langues, qui a des cultures et des mentalités différentes. Malgré tout, la Russie a un peuple uni. Cette union a permis à la Russie de s'en sortir dans les situations difficiles. Quand il y avait une grande guerre patriotique, c'est tout le peuple qui combattait. Ce sont toutes les nationalités qui ont lutté contre les Nazis. Grâce à cette unité, nous avons pu gagner la guerre. 

L'empire russe, l'Union Soviétique, la Russie n'ont jamais eu de colonies en Afrique. La Russie n'a pas participé à la traite négrière. Elle n'a jamais exploité le travail des Africains, d'où la différence avec les Occidentaux. Plus tard, l'Union Soviétique défendait les intérêts des pays africains dans sa lutte anti-coloniale. L'Union soviétique a proposé à l'ONU la proclamation de l'indépendance des pays colonisés, signée en majorité en 1960. L’Union soviétique a participé à la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud.

Pour bien connaître un pays, il faut d'abord apprendre sa langue, visiter le pays ou faire des études.

Infos24: Le Burkina Faso et la Russie ont renoué leur coopération, que pensez-vous de cette coopération ?

Mme Barra: Les deux pays ont entretenu une relation étroite au temps de la Révolution du capitaine Thomas SANKARA. La Russie a formé des milliers de spécialistes burkinabè dans le cadre de la coopération entre les deux pays. C'était un très bon résultat. Actuellement, grâce au changement qui est intervenu, les deux pays ont renoué leur coopération, cela a permis de donner un nouvel élan à la coopération entre ces deux pays.

En outre, ces deux pays ont renoué leur coopération, car les deux sont intéressés. Si c'est un seul pays qui est intéressé, on ne peut pas avoir d'accord. Les deux pays ont besoin l'un et l'autre.

Infos24: Quels peuvent être les principaux domaines de coopération entre les deux pays ?

En premier lieu, il y a le domaine militaire. Dans la situation actuelle, c'est ce qui est le plus urgent. Il est nécessaire de sécuriser le territoire burkinabè. À ce niveau, le Burkina Faso a besoin de soutien technique, logistique, et même politique de la Russie car tout est lié.

En deuxième lieu, il y a le domaine de l'énergie. Le Burkina Faso a besoin de sources d'énergie bon marché pour son développement et réduire sa dépendance vis-à-vis de certains pays. Le projet du Burkina Faso de construire une station nucléaire en partenariat avec la Russie est un projet révolutionnaire. Ce projet peut propulser le Burkina Faso dans tous les domaines et sera très favorable pour le développement de l'industrie. La mise en place de ce projet va attirer des investisseurs étrangers. Il va permettre la réduction du chômage chez les jeunes et améliorer les conditions de vie de la population.

En troisième lieu, il y a le domaine de la formation professionnelle. La Russie est reconnue pour sa qualité de formation professionnelle. Des milliers d'ex étudiants de l'Union soviétique, jusqu'à présent, travaillent dans tous les secteurs de l'économie burkinabè.

En quatrième lieu, il y a le domaine de la médecine. La médecine est très développée en Russie. Le Burkina Faso peut bénéficier de cette expérience, entre autres.

Infos24: Quelles sont les opportunités d'investissement pour les citoyens des deux pays ?

À mon avis, pour les Burkinabè, il serait plus intéressant d'investir au Burkina Faso, car son marché est immense. Le marché de la Russie est assez saturé et demande beaucoup plus de moyens vu que c'est un pays plus développé.

Infos24: Comment voyez-vous l'avenir de la relation entre la Russie et le Burkina Faso dans le contexte géopolitique actuel ?

Nous espérons que la coopération entre le Burkina Faso et la Russie sera longue et fructueuse. Nous espérons également que les peuples des deux pays vont profiter davantage de cette coopération.

Infos24: Selon vous, qu'est ce qui est plus intéressant pour le Burkina Faso dans la politique d'investissement ?

Pour son développement, le Burkina Faso a besoin de créer un climat favorable pour attirer les investisseurs étrangers. Les investisseurs doivent être sûrs que leurs investissements seront rentables et sécurisés. Pour cela, il faut lutter contre l’insécurité en éradiquant le terrorisme. Il faut également de l'énergie bon marché et avoir une main d'œuvre qualifiée et accessible. Il faut également développer les infrastructures, notamment les routes, le chemin de fer, entre autres. Le pays doit adopter une politique de taxation privilégiée. Malheureusement, pour le moment, toutes ces conditions ne sont pas encore réunies au Burkina Faso. Toutefois, j'ai espoir qu'avec le temps et avec le travail acharné, le peuple burkinabè réussira à surmonter tous les obstacles. L'avenir du pays dépend de l'engagement de ses citoyens. Le Burkina Faso se traduit comme le pays des Hommes intègres, je suis sûr qu'il va gagner la guerre dans le domaine militaire et économique grâce aux qualités des citoyens burkinabè et avec l'aide de la Russie.

Propos recueillis par Mohamed OUEDRAOGO